La psychologie biodynamique (p.b. par la suite) a été initiée par Gerda Boyesen (1922-2005)qui, parallèlement à ses études de psychologie à l'université d'Oslo débuta un travail thérapeutique avec Ola Raknes, psychologue psychanalyste, ami et élève de Wilhelm Reich (1897-1957), médecin psychiatre sexologue compagnon de route de Freud dans les premières années de l'aventure de la psychanalyse dans les années 20 du siècle dernier. Elle a ensuite débuté des études de physiothérapie (massages thérapeutiques dont la kinésithérapie fait partie) avec Aadel Bülow Hansen, qui collaborait avec le dr Trygve Braatoy, chef psychiatre à l'Oslo university hospital. Pour plus de détails sur cette aventure passionnante, je vous recommande la page wikipédia sur la psychologie biodynamique ou « Comprendre et pratiquer la psychologie biodynamique » de Guillaume de Brébisson et Marc Brami, Interéditions dont je me suis inspiré pour quelques phrases de cette page et pour replacer la p.b. dans un champ plus vaste, « Psychothérapies corporelles, fondements et méthodes » de mon éminent collègue de Lausanne, Michel Heller, ouvrage brillant, érudit, complet sur l'ensemble de ces psychothérapies quasi ignorée au pays de Descartes.
Bref, toutes ces personnes avaient compris, exploré et approfondi l'importance primordiale du corps dans la pratique thérapeutique, les changements physiologiques pouvant amener des changements psychologiques et réciproquement, c'est comme guérir la névrose avec les mains. Gerda Boyesen s'est ensuite installée à Londres dans les années 60 et y développa dans une effervescence féconde son approche originale et humaine enrichie par ses enfants, Ebba, Mona-Lisa et Paul.
La croyance à un esprit qui dirige et contrôle le corps est une illusion totale, d'ailleurs Freud a écrit dans « Le moi et le ça » en 1923, « le moi est avant tout corporel ». Nous pouvons y ajouter que l'inconscient et les émotions aussi. La séparation corps/esprit/émotions est juste une absurdité occidentale aux origines variées qu'il serait trop long de développer ici, juste entre autres une vision culpabilisante et réductrice du corps et de ses manifestations ou le « cogito ergo sum », « je pense donc je suis » qui donne une importance démesurée au mental. C'est très différent en Asie, exemple avec cette histoire zen : un disciple en pleine crise se jette aux pieds de son maître « Maître, maître, pacifie mon esprit ! », le maître répond « Pose ton esprit devant moi et je le pacifierai », et à ce moment, le disciple vécu le satori, l'éveil spirituel.
Pourquoi pratiquer avec le corps en psychothérapie ?
Premièrement, nous parlons aussi pendant les séances, l'échange verbal a bien sûr de la valeur si la parole est enracinée et certaines techniques sont guidées oralement. De plus, le contact corporel est parfois impossible en début de thérapie pour des personnes ayant été victimes de violences sexuelles, cette difficulté doit être impérativement respectée sous peine d'aggraver le traumatisme, je développerai dans une autre page les conséquences des violences.
Ensuite, une vision dualiste du corps le réduit à la performance sportive, la sexualité, un outil de travail et à la médecine quand il ne « fonctionne » plus ; avec la conscience qui le piloterait comme un simple véhicule.
C'est non seulement tragiquement faux mais amène de plus à de nombreuses impasses et errances thérapeutiques, douloureuses et désespérantes pour ceux qui les vivent et très coûteuses pour notre système de santé.
Petit détour par l’aïkido que je pratique depuis 1990 et enseigne depuis 1997 au sein de l'Académie Autonome d’Aïkido : je vois chaque semaine des élèves dans l'incapacité de reproduire une technique simple qu'ils ont parfaitement intellectuellement et visuellement « compris » quand je l'ai montrée. Pour certains c'est un véritable choc et s'ils ont de plus une image peu valorisante d'eux-mêmes il me faudra trouver les mots et l’attitude juste pour les rassurer, leur expliquer pourquoi c'est tout à fait normal, et comment faire pour évoluer. Tout à fait comme en thérapie quand nous sommes face à une résistance ou à un blocage dont nous connaissons bien (et parfois depuis trop longtemps) l'origine, mais sur lesquelles nous n'avons aucune prise, comme essayer d’attraper une anguille. Le « pourquoi » n'est la plupart du temps pas très compliqué à mettre à jour, c'est le « comment » qui est laborieux et demande toute la compétence et l'empathie engagée du thérapeute.
Notre posture, nos tensions, nos douleurs,nos maladies, notre physiologie, notre digestion, notre respiration....... racontent notre histoire, une partie de celle de nos aïeux et notre adaptation à ce que nous avons vécu depuis notre conception. Ce qui s'est bien passé ne laisse pas de traces, ce qui fut douloureux nous marque par contre en profondeur. Profondeur d'autant plus importante que les carences ou les violences ont été intenses et/ou longues. Par exemple, un bébé qui n'a pas été assez regardé avec amour deviendra un adulte qui, par des moyens parfois détournés et souvent inefficaces, recherchera constamment ce regard d'amour nourrissant mais ne le trouvera jamais d'une manière stable, satisfaisante et permanente. L'autre ne peut pas remplir nos besoins insatisfaits d'enfant mais, par la relation, peut nous les révéler, les réveiller et, peut-être nous apprendre à les nourrir pour devenir un adulte plus complet.
Mais ce serait vraiment trop simple s'il suffisait de détendre, d'assouplir, de muscler le corps, ou de maigrir ou de grossir pour « régler » définitivement tous nos problèmes, c'est là toute la différence entre le corps que j'ai et le corps que je suis. Car dans ce cas, les danseurs et les sportifs n'auraient aucune difficulté dans leurs vies.
Nous avons de nombreux types de massages différents en p.b. suivant ce que nous cherchons, explorons, expérimentons en fonction de la personne avec ses particularités et son évolution dans son processus thérapeutiques. C'est une expérience à vivre et ressentir sans l’intellectualiser. Une de nos particularités est d'écouter le péristaltisme intestinal, les bruits du ventre, avec un stéthoscope car ceux-ci donnent des indications précieuses sur ce qui se passe dans la zone massée, une grande découverte à mettre au crédit de Gerda Boyesen et de ses filles Ebba et Mona-Lisa, que je salue affectueusement au passage.
La p.b. fait partie des psychothérapies humanistes, se basant sur l'hypothèse de l'existence en chacun de nous d'un noyau sain en chacun de nous, c'est à dire « une part saine, positive, joyeuse, qui cherche naturellement à s'exprimer et à partager ses ressentis en confiance » (Comprendre et pratiquer la p.b. page 23)
De ce noyau sain émerge la personnalité primaire « C'est à dire la personnalité qui exprime tout son potentiel simplement et sans entraves. Ce qui caractérise la personnalité primaire, c'est la fluidité de son comportement qui s'adapte au mieux aux circonstances de la vie dans le respect de sa nature intérieure » (Comprendre et pratiquer la p.b . page 25)
Il est rarissime voire illusoire que nous ayons reçu toute l'attention, l'amour, la valorisation, la tendresse, le contact corporel sain et nourrissant pour que cette personnalité primaire puisse s'exprimer librement. Il se construit alors, en résistance aux chocs, aux manques et aux traumas du monde extérieur, et pour protéger notre noyau sain, des défenses qui engendrent des résistances que nous appelons la personnalité secondaire, avec son cortège de difficultés, de douleurs physiques ou émotionnelles puis de névroses. Aparté, et non des moindres, une de ces névroses, merci à Jean-Yves Leloup, est la « normose », à savoir l'obsession d'être « normal ». Franco Basaglia, psychiatre italien et fervent membre de l'antipsychiatrie, fondateur du mouvement de la psychiatrie démocratique dans les années 60 avait fait afficher en grand dans le hall de son centre « Vu de près, personne n'est normal »
J'utilise souvent des extraits de livres en séance. Ce court passage extrait de « Et la lumière fut » de Jacques Lusseyran éditions du Félin 2008 illustre à merveille ce que fut une enfance heureuse :
« Mes parents étaient parfaits pour moi. Mon père, sorti d'une grande école de physique et de chimie, et ingénieur chimiste de profession, était intelligent et bon. Ma mère qui elle-même avait fait des études de physique et de biologie, était tout dévouement et toute compréhension. Tous deux étaient généreux, attentifs. Mais pourquoi dire ces choses ? Le petit garçon que j'étais ne les savait pas. Il ne donnait à ses parents aucune qualité. Il ne pensait pas même à eux.Il n'avait pas besoin de penser à eux. Ses parents l'aimaient. Il les aimait. C'était une Grâce.
Mes parents étaient la protection, la confiance, la chaleur. Je l'éprouve encore aujourd'hui, quand je songe à mon enfance, cette sensation de chaleur au dessus de moi, derrière moi, autour de moi. Cette impression merveilleuse de ne pas vivre encore à son compte, mais de s'appuyer tout entier, du corps et de l'âme, sur d'autres vies qui acceptent.
Mes parents me portaient. C'est sans doute pourquoi, pendant toute mon enfance, je n'ai pas touché terre. Je pouvais m'éloigner, revenir ; les objets n'avaient pas de poids, rien ne collait à moi. Je passais entre les dangers et les peurs comme la lumière à travers un miroir. Et c'est cela que j'appelle le bonheur de mon enfance. C'est une armure magique qui, une fois posée sur vos épaules, peut être transportée à travers votre existence entière »
Devenu aveugle adolescent, il rejoignit à 18 ans en 1941 un mouvement de résistance. Arrêté par la Gestapo en 43, il fut longuement torturé puis déporté dans le camp de concentration de Buchenwald où il survécu par miracle, remontant même le moral de ses compagnons d'infortune. De retour en France, il poursuivra ses études littéraires et philosophiques pour entamer une carrière d'enseignant aux U.S.A. Car les aveugles étaient exclus de l'enseignement secondaire chez nous jusqu'en 1955 !
Il semble clair que, sans son « armure magique », il n'aurait pas survécu à la déportation. Mais, revenons au commun des mortels
Les objectifs de la thérapie en p.b. sont simple à énoncer, retrouver le bien-être indépendant, c'est à dire qu'il ne dépend pas des circonstances, exemple je suis heureux en vacances à Ouessant et malheureux au travail à Nantes. Pour trouver ce bien-être indépendant il me faut retrouver ma capacité d'autorégulation, à savoir vivre et digérer les événements que la vie met sur mon chemin sans qu'ils laissent d'empreinte traumatisante. Et cette capacité d'autorégulation ne peut se remettre en place sans avoir acquis ou retrouvé un ancrage au sens énergétique du terme, associé à la sécurité intérieure et au ressenti et au respect de nos limites sur les plans corporels, émotionnels et psychiques. Donc, trois objectifs : bien-être indépendant, autorégulation et noyau sain.
Le tout sans omettre ni oublier qu'il sera très difficile voire impossible de sentir ou contacter le noyau sain chez un enfant autiste profond ou polyhandicapé physique et psychique ou dans les cas de psychoses (terme discuté en psychiatrie), de troubles bipolaires violents etc etc. Dans ces cas la décence, l'humanité, l’honnêteté commandent à une humble humilité et à une conscience des limites du thérapeute.
La thérapie n'est pas de la magie et les pseudo-thérapeutes qui prétendent tout régler pour tout le monde avec leur méthode sont soit des escrocs, soit des idiots, soit les deux à la fois. Tout comme ceux qui méprisent les traitements allopathiques, qui, bien que non exempts de défauts et de limites, ont le mérite d'être là au quotidien. Néanmoins, force est de constater que, tout comme la psychiatrie est le parent pauvre de la médecine, les thérapies psychocorporelles sont le parent pauvre de la psychiatrie et de la psychologie en France et c'est bien dommage.
Précision sur les médicaments psy, les traitements antidépresseurs ont connus un succès fulgurant depuis la découverte des effets du Prozac, dénomination commerciale de la fluoxétine, au milieu des années 80. D'autres ont suivi, paroxétine, mirtazapine, venlafaxine etc etc. La croyance a des pilules miracles qui ont bien enrichi certains, a été fortement revue à la baisse par une méta-analyse de chercheurs de l'université d'Oxford publiée dans The Lancet en février 2018. Les fabricants de ces pilules n'avaient pas publié l'intégralité des résultats de leurs essais cliniques, ce qui est hélas légal (et ils ont récidivé pour les vaccins contre le Covid, alimentant ainsi les thèses complotistes les plus délirantes), et certains effets secondaires dangereux ou handicapants n'ont été que fort tardivement reconnus comme le PSSD en 2019. Mais même avec une efficacité revue à la baisse, les résultats positifs existent bel et bien sauf que votre médecin ne sait pas comment ils se produisent et sera obligé de jouer au petit chimiste pour trouver quelle substance prescrire en première ou deuxième intention, ou quelle association apportera un mieux-être. Par exemple, l'association mirtazapine-venlafaxine pourra être efficace pour moi mais pas pour mon voisin. Pourquoi ? Mystère.
Un point essentiel est d'être acteur de son traitement, de lire les notices et de ne pas rester dans une impasse qui à long terme mène au désespoir et trop souvent au suicide comme je l'ai déjà constaté. Trop peu d'entre nous connaissent l'existence des centres d'expertise présents dans de nombreux CHU, à Nantes c'est le CAPPA Jacques Prévert à qui vous pouvez vous adresser avec une lettre de votre médecin précisant « des troubles de l'humeur persistants ». J'insiste sur le fait qu'une prise d'antidépresseurs sur une longue période doit obligatoirement être associé à une psychothérapie et nous en revenons là à l'ignorance réciproque des métiers du soin psychique.
En effet, un psychiatre choisit sa spécialité après 6 ans d'études de médecine suivant son classement à un concours national, l'ECN, et il est bien connu que les meilleurs ne choisissent pas la psychiatrie. Suivent 4 ou 5 années de spécialisation sans apprentissage des psychothérapies ni l'obligation d'une psychothérapie personnelle. Certains en restent là, d'autres font une démarche qui demande une énergie et un investissement personnel très important vu la quantité de travail qui leur est déjà demandée au quotidien.
Les psychologues font 5 années d'études universitaires couvrant un vaste domaine, tous ne pratiquent pas la psychothérapie et une thérapie personnelle est fortement recommandée mais pas obligatoire. Les psychothérapies corporelles ne sont ni reconnues ni enseignées dans les universités françaises.
Les psychanalystes s'organisent entre eux avec différents courants suivant leurs écoles respectives, une analyse sera très différente avec un jungien ou un lacanien par exemple. Anecdote à propos de Jung, Guy Corneau 1951-2017) psychanalyste jungien québécois talentueux et chaleureux avec qui j'ai eu la chance de faire plusieurs stages nous a raconté que lors d'une conférence de Jung à laquelle il assistait, celui-ci commença en déclarant avec humour: « Je suis heureux d'être Jung et de ne pas être jungien ». Je vous recommande vivement ses livres et vidéos.
J'ai gardé le meilleur pour la fin. Avant 2012, tout le monde pouvait se proclamer psychothérapeute et il y en avait plusieurs milliers en France, nombre en forte croissance du à l'augmentation des troubles psychiques alliée à l'insatisfaction de nombreux usagers du système de soin classique. La plupart de ces psychothérapeutes avaient suivi une formation sérieuse associé à une longue thérapie personnelle, au sein d'écoles privées sans aucune reconnaissance médicale officielle même si souvent reconnues comme organisme de formation professionnels et donc susceptibles de recevoir des étudiants à la formation partiellement prise en charge par l'état, cherchez de la logique là dedans !Vous n'avez pas trouvé ? Moi non plus. Il y avait aussi une minorité de psy autoproclamés dont certains charlatans. Et c'est là qu'arrive en 2003 Mr Bernard Accoyer, médecin, député UMP de Savoie, le parti de jacques Chirac dont la probité, la conscience morale et le sens de l’intérêt général furent particulièrement sublimes. Bref, Mr Accoyer, soi-disant pour lutter contre les dérives sectaires, jugea qu'il était urgent de réglementer l'usage du mot psychothérapeute. La loi fut votée en 2004 dans un hémicycle désert et suscita un tollé de toutes les associations de psy. Des échanges débutèrent avec lesdites associations, plusieurs années ensuite, en 2012, fut promulgué au journal officiel le décret d'application de cette loi. Et surprise générale, le travail avec les associations fut totalement balayé pour réserver l'usage de ce mot à des psychologues ou des médecins ayant fait une formation complémentaire de quelques centaines d'heure. Ce décret prévoyait une clause permettant d'avoir le droit d'utiliser le mot pour les personnes en exercice avec un dossier à rendre aux agences régionales de santé plus 200 heures de psychopathologie. Peu d'entre nous l'ont fait et c'est pourquoi, il existe maintenant une foule de dénominations, psychopraticien pour les membres de la FF2P dont je suis, thérapeute psychocorporel pour marquer notre spécificité, thérapeute de ceci ou de cela, psychoénergéticien, praticien en psychothérapie et j'en passe des plus loufoques ou perchées que ça, vous les trouverez sur la toile.
Résultat, les non-initiés n'y comprennent plus rien et les dérives sectaires n'ont pas diminué, bien au contraire, bref un bel exemple d'échec législatif.
Je reviens aux médicaments pour terminer avec les anxiolytiques et particulièrement les benzodiazépines, qui ne devraient pas être prises plus de 12 semaines, et ce n'est pas moi qui le proclame du haut de ma science infuse mais la haute autorité de santé, cf lien suivant/ https://www.has-sante.fr/jcms/c_2863043/fr/quelle-place-pour-les-benzodiazepines-dans-l-anxiete Nous n'y sommes pas du tout et nageons en pleine schizophrénie collective avec des conséquences financières et surtout humaines lourdes. La question suivante est « Mais alors, pourquoi autant de médecins prescrivent-ils autant de médicaments qu'ils savent mauvais pour leurs patients ? » Vous y trouverez un début de réponse dans un petit livre lucide, accablant et vibrant de révolte de Roland Jaccard « L'exil intérieur »
Sur les antidépresseurs, le livre d'Ariane Denoyel « Génération zombie, enquête sur le scandale des antidépresseurs » éditions Fayard, elle a aussi publié dans Le Monde diplomatique d'avril 2023 un article à lire avec intérêt « Vaccins et Covid, aux origines d'une défiance » ; l'émission « Enquête de santé » de mars 2023 indisponible pour l'instant (j'aurai du la télécharger), Et sur les laboratoires pharmaceutiques, l'émission complément d'enquête du 4 mai 2023 sur France2 « Pfizer, qui a peur du grand méchant labo ? »
Après ces précisions importantes, revenons à la p.b. avec un exemple thérapeutique concret sur le réflexe de sursaut dont vous pourrez retrouver une excellente description simple sur le site de Michel Heller www.aqualide.com . Ce réflexe est du a un stress précoce et intense ,dans ce cas les épaules sont souvent relevées en permanence avec les clavicules en V au lieu d'être horizontales, leur position naturelle, ce qui tend le diaphragme avec un plexus solaire dur et douloureux au toucher et des muscles trapèzes raccourcis en contraction permanente entre les épaules et le cou.
Mais le message « muscle contracté » n'arrive plus au cerveau depuis longtemps et si vous dites à la personne concernée « Détends-toi et baisse les épaules », elle vous répondra que pour elle tout est normal si elle est bien disposée à votre égard ou d'aller vous occuper de ce qui vous regarde autrement. C'est de la peur répétée sur une longue période qui a généré cette posture. Et, tout comme le message « muscles contractés », n'arrive plus à la conscience, le message « J'ai peur », non plus. La peur est littéralement emmagasinée dans les tensions musculaires chroniques. Des mouvements spécifiques ou un massage adapté pourront amener le ressenti des tensions mais la personne ne sera libérée de ces peurs anciennes dont l'actualisation permanente dans la posture coûte beaucoup d'énergie, qu'à condition qu'elle se sente assez en sécurité pour les ressentir à nouveau, les exprimer pleinement et les vivre consciemment dans le cadre thérapeutique sécurisant et protecteur afin de les dissoudre en terminant le cycle émotionnel associé, le cycle vasomoteur. Car l'émotion, de la même origine latine que le mot moteur « motare » est d'abord un mouvement intérieur, avec un début, un milieu et une fin. Quand elle ne peut pas se déployer, au début ou au milieu de ce cycle, arrivent les blocages, les tensions et les inhibitions, exemple je ne dois et ne peux plus montrer ni sentir que j'ai peur, que je suis en colère, que je suis triste, etc...
Pour qu'un événement passé douloureux puisse être définitivement rangé sur l'étagère à souvenirs, c'est à dire sans plus aucune répercussions sur notre vie actuelle, il faut 3 conditions, la première étant une modification physiologique, une modification corporelle, musculaire, tissulaire ou autre car les tensions ne sont pas toujours situées dans les muscles , la deuxième est l'expression complète de l'émotion associée à l’événement et la troisième est la prise de conscience « Oui, j'ai vécu ça qui a eu telle conséquence et je n'y suis plus soumis, je n'en suis plus victime, par exemple la honte et la culpabilité encore bien trop fréquentes chezles personnes ayant été agressées sexuellement ». Sans cela nous resterons dans la répétition de l'expression symptomatique du traumatisme, de l'inconscient ou de la névrose.
Concernant les modifications corporelles et les décharges végétatives, il est essentiel de ne pas confondre pathologie et symptôme. Exemple, j'ai la varicelle, je vais voir mon médecin qui me prescrit quelque chose pour soigner les boutons un par un. Au niveau de la peau, ces boutons sont une pathologie mais juste un symptôme au niveau de la personne. Cet exemple est volontairement caricatural mais la distinction devient plus subtile pour les manifestations du stress, du traumatisme et de l'anxiété. Comme les diarrhées ou constipations chroniques, les migraines répétées avec ou sans trouble de la vision préalable, phosphènes ou auras dont j'ai longtemps souffert, les lumbagos, torticolis, névralgies cervico-brachiales, la fibromyalgie, la maladie de Crohn et autres. Et oui, il est également important de chercher du coté de la physiologie mais en appliquant la règle philosophique du rasoir d'Ockham qui consiste à éliminer en premier lieu les explications improbables d'un phénomène. Anecdote amusante et édifiante à ce sujet : je connais quelqu'un, mécanicien agricole, qui s'est mis à avoir mal à un pied, il va voir son médecin qui lui prescrit une radio, des anti-douleurs et des séances de kiné, pas de résultat, il va voir des rebouteux et des ostéo du coin, toujours pas de résultat, plusieurs semaines de galère plus tard quelqu'un lui demande comment sont ses chaussures de sécurité qu'il porte 9 heures par jour. Bingo, les chaussures inadaptées causaient les douleurs. Ce n'est pas toujours aussi simple. Cependant, il serait en première intention dans de nombreux cas plus utile et efficace de travailler sur les causes du stress plutôt que sur leurs conséquences. Tout en restant à l'écoute de la demande initiale de la personne même si nous savons pertinemment qu'il y en a une autre derrière. Chaque chose en son temps. Il est contre-productif ou même néfaste de vouloir aller trop vite dans le processus thérapeutique de la personne qui nous fait confiance, c'est comme vouloir tirer sur un brin d'herbe parce que je suis pressé de le voir grandir, raté, il casse.
Autre point important, les manifestations du corps dues au stress sont encore trop prises à la légère voire méprisées par bon nombre de médecins « C'est dans votre tête madame », traduction : « Vous me dérangez avec vos histoires car vous me confrontez à mes limites et mon impuissance, je n'ai pas appris ça à la fac et ne sais pas quoi faire ». j'ai entendu sur France Inter début mai 2023 dans l'émission « Grand bien vous fasse » un médecin qui a eu l'honnêteté de dire « Il est souvent plus simple de donner une pilule que de changer un comportement ». Je plaide là pour un rapprochement des thérapies psychocorporelles avec la médecine institutionnelle et une forte sensibilisation des futurs médecins à l'unité corps-esprit- émotions.
Il est aussi important de savoir quelles lunettes nous avons sur notre nez de thérapeute. C'est très simple en comparant une personne à une ville, j'ai un souci au niveau du réseau d'eau potable et je vais voir un électricien spécialiste du réseau électrique, il aura beau améliorer ce réseau, ça ne changera rien à mon souci et si l'électricien n'est pas conscient de ses limites, il va s'acharner ou me culpabiliser de ne pas aller mieux, un comble. « Mais comment, ce n'est pas normal, j'ai tout vérifié, tout va bien, j'ai fait un bon travail », sous-entendu, si ce ne va pas c'est de ma faute, je ne veux pas vraiment guérir. J'ai été très touché par une personne atteinte d'un cancer métastasé au poumon soignée au Tagrisso qui sentait 2 ans avant que son diagnostic ne soit enfin posé « grâce » à la fracture d'une côte due aux métastase, qu'elle sentait donc depuis 2 ans un glaçon dans le dos. Elle avait pourtant consulté plusieurs fois pour sa douleur dorsale. Attention , je ne dis pas là, les médecins sont nuls et je suis meilleur qu'eux. Je me souviens d'articles de journaux quand j'ai passé le bac c mention bien en 1981, annonçant la catastrophe actuelle avec la réduction du numerus clausus, c'est à dire le nombre d'étudiants admis en deuxième année de médecine. J'ai alors choisi une classe préparatoire aux écoles d'ingénieur plutôt que médecine. Je me souviens aussi d'un médecin nantais gynécologue obstétricien, responsable de l'unité d'IVG et de planification familiale d'une grande clinique, qui pendant ses congés allait en Afrique réparer les dégâts de l'excision, de l'infibulation ou des fistules anales post-partum, bref, un homme bien, qui m'avait répondu, quand je lui ai demandé, « Mais pourquoi les médecins acceptent ce système médical délirant et violent ? », « Tu sais, Eric , les médecins sont formés dans la soumission à l'autorité et ne se révoltent pas »
Revenons à la psychothérapie avec une question trop rarement posées lors du premier entretien (l'anamnèse pour les pros), à savoir « Acceptez-vous d'être là, d'être incarné ? ». Question essentielle car si la réponse est clairement non ou que la question entraîne un trouble profond, physique, émotionnel ou mental (je sens que ça bugue ou que la personne n'a pas entendu la question), il y aura avant tout un chemin d'acceptation de cette incarnation à trouver puis à parcourir. Sans cela, inutile d'appliquer une quelconque technique visant à améliorer l'estime de soi, le bien-être au quotidien, les valeurs, bref, tout ce qui est de l'ordre de l'existentiel, ce sera comme arroser du sable. La personne aura perdu son temps, son argent et peut-être l'espoir d'aller mieux.
La biodynamique va également très bien au travail avec les enfants, les massages étant pour eux moins utilisés que le jeu, le dessin, la symbolique. Il m'est plusieurs fois arrivé avec des garçons qui grandissaient sans père de « jouer à la bagarre » avec eux en prenant bien soin de les laisser exprimer toute leur force en sécurité et en les valorisant dans cette expression.
La biodynamique a des points communs avec la pratique freudienne (Freud de quelle époque me rétorquerons les pros?) car Reich a longtemps travaillé avec Freud et n'a pas jeté le bébé avec l'eau du bain. Mais nous sommes en désaccord sur quelques points fondamentaux comme l'opposition eros/thanatos, une pulsion de vie, de plaisir, eros, qui lutterait avec une pulsion de mort, thanatos, dans une dualité conflictuelle à l'issue fatale. Thanatos est pour nous la vie empêchée de s'exprimer qui se retourne contre elle-même, pas un penchant inné à l'autodestruction. Nous ne sommes pas non plus d'accord avec l'importance primordiale de la sexualité ou de la génitalité dans la construction de la névrose, ce qui était valable il y a 100 ans ne l'est plus maintenant même si la question de la sexualité est toujours d'actualité, j'y reviendrais dans la page sur les violences.
Je tiens pour terminer à rectifier une erreur hélas courante et pas si innocente que ça : Freud aurait écrit « l'enfant est un pervers polymorphe », ce qui a non seulement servi de justification, que ce soit en actes ou en discours, à des pédocriminels, mais aussi à de nombreux articles psychanalytiques délirants du même niveau que la blague du fou qui repeint son plafond, un autre fou arrive et lui dit « Accroches toi au pinceau, j'enlève l'échelle ». Cette citation est fausse ; cf l'excellent article de Jacques Van Rillaer, professeur émérite de psychologie à l'université de Louvain dans son blog sur le site de médiapart. La phrase réelle est dans le paragraphe suivant extrait des œuvres complètes de Freud, PUF, 2006, V, page 127. « Prédisposition polymorphe. Il est instructif de constater que l'enfant, sous l'influence de la séduction, peut devenir pervers polymorphe, pouvant être dévoyé vers tous les outrepassements possibles. Cela montre que, dans sa prédisposition, il en apporte avec lui l'aptitude ; c'est pourquoi la mise en œuvre ne comporte que des résistances minimes, parce que les digues animiques (relatives à l'âme) s'opposant aux débordements sexuels pudeur, dégoût et morale, ne sont pas, selon l'âge de l'enfant, encore mises en place ou sont seulement en cours de formation. L'enfant ne se comporte pas en cela autrement que, par exemple, la femme moyenne n'ayant pas été touchée par la culture, chez qui subsiste la même prédisposition perverse polymorphe. Cette femme peut, dans les conditions habituelles, rester sexuellement à peu près normale, sous la conduite d'un habile séducteur, elle prendra goût à toutes les perversions et les conservera dans son activité sexuelle. La même prédisposition polymorphe donc infantile est exploitée aussi par la fille publique dans son activité » Cette citation est extraite des « Trois essais sur la théorie sexuelle » publié en 1905. Elle est à remettre dans son contexte historique et sociologique, avec Freud fils d'un rabbin des plus rigides, une place des femmes peu glorieuse et une sexualité fortement réprimée et réduite à la procréation. Reich est allé plus loin en proclamant le droit au plaisir, à la jouissance et à l'extase, ses premiers instituts de psychanalyse, dans l'Allemagne des années 20 en plein bouleversement, s'appelaient « Clinique d'économie sexuelle », il était alors proche du parti communiste allemand et a rapidement rejeté la mainmise du stalinisme qu'il a très tôt assimilé à un fascisme. Son livre « La psychologie de masse du fascisme » étant emblématique en ce sens. Si ceci vous semble loin de la psychothérapie sachez que la biodynamique ne se réduit pas, et loin de là, à nos histoires personnelles, mais interroge la place de l'humain dans la société avec toutes ses conséquences, implications et responsabilités car « Nul n'est une île », Thomas Merton.
Je développerai dans une autre page ma vision du cadre et de la relation thérapeutique.
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