LA RELATION & LE CADRE THERAPEUTIQUE


 

Limites, sécurité, ancrage, respect, sincérité, engagement et confiance.

Les points essentiels de la relation et du cadre thérapeutique sont : limites, sécurité, ancrage, respect, sincérité, engagement et confiance. Et ceci est valable pour le thérapeute et la personne qui consulte.

 

Le premier contact se fait le plus souvent par téléphone, je demande à la personne de m'exposer en quelques mots sa demande et lui dit ensuite si je sens que je peux lui être utile. Lors de la fameuse « première séance », j'écoute plus longuement, pose des questions et propose soit un massage exploratoire, soit une autre pratique suivant la demande de la personne. Passer directement par une approche corporelle avec contact est le plus souvent impossible pour des personnes ayant été victimes de violences, nous avons alors d'autres outils biodynamiques plus appropriés. Puis, je pose le cadre thérapeutique, à savoir que nous déterminons ensemble le rythme, la longueur et le prix des séances ; je précise aussi les modalités de déplacement d'une séance, prévenir 48 heures avant pour moi sans cela la séance est due, totalement ou partiellement, sans oublier le cas où la personne ne vient pas sans prévenir ; puis je parle de l'importance de faire une séance de clôture en fin de relation. Je lui demande finalement si elle est d'accord avec ce cadre et si elle a des questions.

 

Ce cadre est un gage indispensable de sécurité, il doit être solide mais souple, présent sans être pesant, clair, précis et ramène chacun à sa responsabilité et sa place d'adulte dans la relation. D'autant plus qu'en biodynamique nous pratiquons des massages le plus souvent en sous-vêtements (sauf si c'est trop compliqué pour la personne bien sûr), ce qui induit une plus grande vulnérabilité à accueillir avec toute la délicatesse nécessaire. Précision à propos de sexualité ; il peut y avoir en séance des ressentis ou des souvenirs liés au désir ou à une souffrance, liées à la sexualité ; l'attitude thérapeutique juste est alors de laisser se dérouler le processus correspondant sans répondre à une éventuelle demande. Les résultats seraient dans l'immense majorité des cas catastrophiques car il s'agit  en général de pulsions liées à l'enfance, le complexe d’Oedipe ou des souvenirs d'expériences  traumatiques lors desquelles il y a eu confusion entre le désir et le plaisir sain de l'enfant et la sexualité adulte. Je développerai ce thème dans la page sur les violences. Ce n'est pas du massage de kinésithérapie, ni d'ostéopathie, ni de salon de massage bien-être. Je masse sur un matelas au sol, ce que je trouve plus confortable et aussi plus sécurisant si une réaction émotionnelle ou corporelle importante entraîne de grands mouvements spontanés ou imprévus. Ce qui serait beaucoup plus périlleux sur une table de massage ! Il y a dans mon éthique professionnelle un profond respect des limites corporelles et psychiques de l'autre, de ses particularités qui en font un être unique et de ses résistances.

 

Christian Bobin l'illustre mieux que je ne saurais le faire dans ce court extrait de « l'éloignement du monde », éditions Lettres Vives, 1993 « Ceux qui savent nous aimer nous accompagnent jusqu'au seuil de notre solitude puis restent là, sans faire un pas de plus.Ceux qui prétendent aller plus loin en notre compagnie restent en fait bien plus en arrière ».

 

 

 

Quelques mots sur la relation thérapeutique comme je la vois. Je suis comme le canari dans les mines de charbon qui cessait de chanter quand la concentration de gaz explosif devenait critique avant que les mineurs le sentent. Cette différence de sensibilité permet de me mettre en résonance avec l'autre, je peux alors ressentir pour autrui des sensations corporelles, des émotions ou des pensées qui lui appartiennent sans qu'elles soient conscientes.  Un thérapeute n'est pas un « ami payant », pas un directeur de conscience, pas quelqu'un qui va vous dire, fais pas ci, fais pas ça, quitte ton mari ou autre. Ça c'est de l'emprise, une prise de pouvoir à fuir. Le thérapeute est là pour l'autre au maximum de ses possibilités, « l’accueil inconditionnel » étant un mensonge (pour 99,99 % des humains), et va faire tout son possible pour être un miroir où l'autre pourra voir et ressentir sans jugement de valeur des aspects de sa personnalité qu'il ne connaît pas, qu'il fuit, qu'il déteste, qu'il craint ou qu'il espère tellement qu'ils restent cachés derrière le masque de la persona, ce que nous donnons à voir aux autres et qui n'a souvent qu'un lointain et caricatural rapport avec notre être authentique et profond.

 

Revenons aux séances, il n'y en a pas deux pareilles en fonction du processus thérapeutique, c'est à dire où en est la personne dans son chemin de conscience. Parfois il y a juste besoin d'être écouté, parfois massé avec une intention spécifique, parfois être bercé comme un bébé, pris dans les bras pour être consolé comme un enfant par son bon parent, parfois d'être confronté à nos résistances, parfois de « sortir » physiquement de la colère, les possibilités sont très nombreuses. Mais l'essentiel est de se sentir accueilli comme  nous sommes dans le hic et nunc, l'ici et maintenant, avec les humbles limites du thérapeute. S'il prétend vous accueillir avec un amour inconditionnel, mettez-lui une claque pour vérifier !

 

Concernant ces limites, il y a la supervision, indispensable dans toute pratique de psychothérapie. Chaque mois je vais voir un collègue ayant suivi une formation de superviseur à qui je parle des personnes en thérapie avec moi, car tout psy a ses doutes, ses limites et un contre-transfert à éclaircir. Il peut aussi être touché dans son histoire personnelle par la personne en face de lui. Les doutes, les remises en question, penser contre soi-même font partie de cet étrange métier qui ne s'improvise pas. J'ai eu plusieurs fois la chance de suivre des formations avec une femme extraordinaire, Clover Southwell, qui encore récemment, dirigeait une école de formation de thérapeutes biodynamiques à Londres ; elle nous disait que même avec son expérience de 40 années de pratique, elle allait toujours en supervision chaque mois.

 

Il y a différentes étapes dans la relation thérapeutique, la confiance demandant du temps et des preuves concrètes, ok, mon psy a l'air super et empathique, mais va-t-il continuer à être bienveillant quand je manifesterai envers lui la colère que je n'ai jamais pu exprimer à mes parents ? Va-t-il être là pour moi quand je lui dirai des choses désagréables ? C'est un passage crucial de la thérapie, le transfert négatif, et là, ça passe ou ça casse. Et si ça passe s'ensuit une relation plus profonde, plus sincère et intense, propice à la disparition des vieux schémas douloureux et sclérosés. Expérience concrète et fondatrice pour une vie plus agréable, harmonieuse, et équilibrée. C'est à l'opposé d'une confiance aveugle : je sais mieux que toi ce qui est bon pour toi ou ce que tu devrais penser et ressentir alors obéis-moi sans poser de question. Il y a là abolition du discernement, typique de l'emprise sectaire. Emprise sectaire favorisée par le « désert de sens » qui caractérise notre époque incertaine et angoissante, la croyance en un avenir de progrès perpétuel du aux avancées techniques et scientifiques ayant commencé à disparaître dans les années 70, avec la prise de conscience grandissante du désastre climatique et écologique en cours. Je pense là à la réplique finale du film « Un monde sans pitié » d'Eric Rochant, « Après ça, tout ce qu'il nous reste c'est de tomber amoureux comme des cons », la biodynamique propose une autre voie., plus subtile.

 

Quelques éléments biographiques en complément de ceux évoqués dans la page sur le burn-out car comme de nombreux collègues biodynamiciens, je pense que partager notre expérience est utile au processus thérapeutique. J'ai débuté mon chemin de conscience en septembre 1990 à 27 ans lors d'un cours d’aïkido, art martial de paix, à Lyon avec Étienne Leman que je salue chaleureusement au passage, car je sentais que j'avais un problème avec la violence et qu'une petite voix en moi disait « la vie c'est pas ça ». Oui, mais alors quoi ? J'ai alors expérimenté des réactions surprenantes, dérangeantes, corporelles et émotionnelles lors de la pratique de l'aikido et de l'aikishintaiso avec un maître en la matière, André Cognard, informations sur cette pratique sur le site www.aikido.fr . J'ignorais que j'étais dissocié, le mental brillant d'un côté, zèbre hypersensible et performant, quotient intellectuel dans les premiers 5% aux tests, le corps de l'autre, instrument de performances physiques, exemple 2200 m de dénivelé positif en 5h15 lors de l'ascension du dôme de neige de La Meije au départ d'Ailefroide, dans le massif des Écrins sans efforts particuliers. J'ai ensuite participé à des séminaires avec Annick de Souzenelle, Guy Corneau, Jacques Salomé, Elianthe et Philippe Dautais à Sainte-croix en Dordogne, Rachel et Alphonse Goettmann à Béthanie en Lorraine, Marianne Sébastien, chanteuse lyrique devenue thérapeute par la voix engagée auprès des mineurs exploités et massacrés dans les mines de cuivre de Bolivie. Salut chaleureux et reconnaissant à Lakshmi Viennot, qui organisait des stages de Jacques Salomé dans le sud-ouest. Au début de la relation avec la mère de ma fille qui avait été élevée avec du Salomé partout, je suis allé interviewer Jacques pour la radio associative de Lyon, Radio Canuts, où j'ai officié quatre ans dans mon émission « Entre les lignes » de 1990 à 1994, lors de mon arrivée, c'était au couvent dominicain de La Tourette, dans les monts du lyonnais, il m'a pris dans ses bras en disant « J'aime cet homme, il est profond et pas creux ». Je m'en souviens encore avec émotion, comme des stages avec Guy Corneau, entre autres un séminaire à l'abbaye de Rhuys, à Saint Gildas de Rhuys dans le Morbihan en 2002. J'ai fait sa connaissance en 1993 à Lyon, après une conférence sur son livre « Père manquant, fils manqué » lors d'un diner organisé par Élisabeth Richard-Boiron, en vue de mettre en place les premiers groupes d'hommes calqués sur ceux du RHQ, le réseau hommes Québec. Il y a d'excellentes vidéos de Guy Corneau sur Youtube.

 

Je leur suis reconnaissant  à toutes et tous pour leur présence, leur humanité et leur bienveillance. Il me manquait quelque chose, un pont, un lien, entre ces expériences. Le déclic arriva en été 99 quand  un ami me parla du livre de Gerda Boyesen « Entre psyché et soma » ; comme dans le film « The blues brothers »  lors de la scène à l'église avec James Brown en pasteur ce fut la révélation . J'y suis allé à fond, formation de thérapeute de 1999 à 2004, puis assistant de formation de 2013 à 2017, avec des stages de spécialisation avec Ebba et Mona-Lisa Boyesen, Menno de Lange....

 

Tout ceci pour illustrer un parcours personnel avec ses tours et ses détours, mais toujours sincère, honnête même imparfait (surtout imparfait!) . A voir, et à pratiquer avec sincérité, confiance, espoir et discernement. Proverbe des budos japonais « Bonne chance, erreurs et maladresses ».

"j'ai vécu un burn-out fin 2001"

Après un diplôme d'ingénieur génie civil et un troisième cycle de gestion obtenus sans trop forcer (excepté en classe préparatoire au niveau bien relevé) , j'ai travaillé comme conducteur de travaux tous corps d'état dans le bâtiment de 1988 à 2001, jamais malade, aucun arrêt de travail et en 2001 je menais de front mon emploi à temps plein dans un cabinet d'archi nantais, je rénovais une grande longère, pratiquais et enseignais l'aikido, avait débuté en 99 ma formation de psychothérapeute plus la thérapie perso qui va avec et pour finir, une fille née en février ! Pour moi tout allait bien sauf que, entre 2 réunions de chantier, j'oublie de m'arrêter au stop, l'autre freine, puis une priorité à droite, l'autre freine encore ! Quelques jours plus tard, lors d'une réunion de chantier banale, je sens que c'était mouillé sur mes joues, je pleurais sans m'en rendre compte et me suis décidé à aller chez le médecin. Elle m'a dit « Bon, on dirait bien qu'il faut vous arrêter, commençons par deux mois ». heureusement que j'étais assis ! Je dépose mon formulaire d'arrêt chez mon employeur , rentre dans ma campagne et là, en sortant de la voiture, patatras, je me suis écroulé devant la maison d'un seul coup sans comprendre ce qui m'arrivait et ne me suis pas levé de mon lit pendant trois jours. Grosse incompréhension de ma compagne de l'époque qui ne comprenait ni n'acceptait cet état. C'est aussi blessant que commun pour beaucoup de personnes atteintes de la même chose.

 

Deux mois plus tard, je retourne travailler et mon employeur me met au placard seul dans un bureau isolé devant un ordinateur avec pour tâche d'établir la liste complète de tous les points à vérifier aux diverses étapes d'un chantier de bâtiment, ce qui ne correspondait pas à mon contrat de travail. Il devait peut-être chercher à me donner une petite punition, lui-même étant un autre champion du non-respect de ses limites. Mais il ne savait pas comment j'avais été « élevé » par un père pervers narcissique tout-puissant intransigeant, intolérant, colérique, criminel de guerre et terroriste en Algérie en tant que militaire et membre de l'OAS. Donc, ces brimades n'ont pas eu l'effet escompté car je l'ai joué « Le cave se rebiffe » et ai commencé à venir quand je voulais et à dire tout haut des choses difficiles à entendre pour mes collègues qui restaient dans la soumission. D'où un licenciement à l'amiable peu après et je n'ai plus été salarié ensuite. Le chemin de conscience, expression que je préfère à travail thérapeutique, fut long, chaotique, avec une crise intense en 2004 où la vie n'était plus qu'une suite d'instants insupportables et absurdes. La seule et unique chose qui m'a fait rester en vie était que j'avais une fille qui avait besoin d'un père vivant, même dépressif. J'ai commencé à sentir mes limites sans toutefois les écouter comme fin novembre 2005, je coupais du bois et vers 17h  18h, j'ai entendu une petite voix qui disait « Stop, tu es fatigué » Superman a répondu « Non, encore un arbre » Tout s'est bien passé pour faire tomber l'arbre mais quand je coupais les branches, l'arbre au sol, avec la tronçonneuse à l'horizontale, j'ai eu une absence et boum, coup de tronçonneuse dans la cuisse. J'ai eu beaucoup de chance ou, s'ils existent, de bons anges gardiens, car je n'ai coupé que la peau et le gras et voyais l'enveloppe du muscle, sans que ça fasse mal! Belote et rebelote à la même époque de l'année à deux ou trois jours près avec une scie circulaire , une scie sauteuse, puis un couteau en ouvrant des huîtres, toujours blessé au côté droit et sans séquelles, j'étais vraiment très très entêté dans le non-respect de mes limites. C'est beaucoup mieux maintenant.

 

   Tout ceci, non pour raconter mes péripéties thérapeutiques et médicales, mais pour partager avec le plus de sincérité possible, une expérience humaine qui peut résonner chez autrui. En psychologie biodynamique nous sommes nombreux à penser que ce partage peut être utile aux personnes qui nous font confiance dans ce chemin. Tout comme des thérapeutes qui m'inspirent au quotidien, Irvin Yalom, Chritiane Singer, Boris Cyrulnik, Katie Byron, Thierry Janssen, Guy Corneau et d'autres.